Depuis quelques temps, cette question récurrente me laisse perplexe.
Je partage ma pratique depuis 5 ans; autant dire peu de temps. Pourtant cette question était anecdotique lorsque j’ai commencé à enseigner.
Pourquoi cette question suscite chez moi tant de réflexion et surtout l’envie de partager cela ici avec vous ?
Il me semble évident qu’aujourd’hui dans sa démocratisation nous oublions parfois l’essence de cette voie qui est la libération de toutes contingences.
Or cette petite question nous montre bien que nous pouvons au nom du Yoga nous créer de nouveaux attachements (à une forme de pratique entre autre, à de nouvelles croyances,
à un nom …) alors que nous sommes censés évoluer vers le détachement.
De plus, le Yoga est souvent réduit à une pratique physique, alors que l’Asana (l’aspect postural) n’est que la 3e étape ou degrés dans ce chemin de conscience .
Asana se traduit littéralement par le fait de s’assoir ou la manière de s’assoir.
Même si des traités tels que le Hatha Yoga
Pradipika font état de différentes postures permettant d’acquérir de nombreux Siddhis ( pouvoirs).
Ce même traité précise bien que sans l’abandon de ces pouvoirs, nous passons à coté de la voie du Yoga.
Donc vouloir faire des postures est un non sens(et les faire valoir encore plus), les vivre c’est cela qui importe.
Bien évidement les postures sont utiles mais elle ne sont pas la finalité du Yoga.
Elles préparent le corps à l’immobilisme du mental qui pourra s’absorber dans la contemplation de sa vraie nature et ainsi connaitre le Yoga (état d'union de l’humain et l’univers).
Enfin, pour beaucoup d’entre nous le Yoga
est une action de plus sur un agenda bien chargé.
Hier une personne m’indiquait
une «nouvelle appli Yoga
gratuite qui permet de choisir les zones du corps qu’on veut travailler
et de faire son Yoga
tous les matins … »
Mais cela revient à dire « je FAIS la liberté tous les matins en choisissant quel muscle je veux travailler. »
Si cet enseignement se transmet depuis des millénaires c’est parce que la transformation qu’il opère chez le pratiquant dépasse largement quelques groupes musculaires.
C’est une voie de transformation de notre Être dans toutes ses dimensions: physique, psychique, énergétique et spirituelle.
N’oublions pas non plus que Yoga
et méditation sont indissociables et que sans méditation pas de Yoga.
Le mot même Méditation, Dhyâna, désigne la contemplation de ce qui est, sans artifice: c’est la conscience qui se révèle à elle-même.
Donc "la pleine conscience " est une pratique Yoguique millénaire, pas un concept de plus.
A l’époque de « Je fais ou montre que je fais... Donc je suis»,
le Yoga nous invite à Être, dans chaque moment de notre vie (surtout ceux que l'on ne partage pas).
Les pratiques posturales, respiratoires, le retrait des sens, les visualisations sont les pavés de ce chemin de liberté qu’est le Yoga; en aucun cas la destination finale.
Voici une proposition dans ce moment suspendu « Arrêtons de faire du Yoga, vivons le...» :
Quelle que soit notre activité quotidienne, restons suffisamment immobiles, conscients de notre souffle et essayons de nous concentrer uniquement sur l’expérience que nous vivons.
Les repas en silence peuvent être l’occasion de cela : se concentrer sur sa mastication, les saveurs et peut-être ressentir tout ce que l’aliment nous transmet.
S’assoir quelques instants et ressentir ses pieds sur le sol, son assise sur la chaise, son dos qui se redresse, juste ressentir son corps dans sa globalité et non plus de manière morcelée.
Observer une fleur, le ciel ou tout autre élément de la nature jusqu’à ressentir ce qui s’y passe au plus profond.
Voici autant de pratiques qui peuvent sembler insignifiantes et pourtant portent en elles l’essence du Yoga
et vous verrez c’est parfois aussi difficile que des acrobaties….
Dans l’attente de vous retrouver, prenez soin de vous, de ceux que vous aimez et de ceux qui en ont besoin…
A bientôt,
Isabelle